Nepal 2015

Ascension du Dzasampatsé

Il y a des gens qui n’arrivent pas à avancer sans se retourner. Je crois que durant un temps j’en ai fait partie. Je sais bien qu’il faut apprendre de ses expériences, mais ressasser sans cesse le passé empêche d’avancer.

Il y a une espèce de confiance en l’avenir qui tient de la croyance, un peu naïve parfois, mais nécessaire.

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Ainsi, en arrivant au camp de base du Nangpai Gosum, après avoir marché deux semaines dans la vallée de l’Everest et de Gokyo pour s’acclimater, nous avons trouvé la montagne bien sèche. Et tout de suite j’ai regretté d’avoir pris trop de temps pour arriver au camp de base, et ainsi amputer le temps de repérage désormais indispensable.

Le camp de base est heureusement fort agréable : ensoleillé, ouvert et donnant une belle vue sur notre projet. Mais maintenant qu’il fait beau et (trop) chaud, nous devons finir notre acclimatation et repérer un itinéraire de replis.

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Dans cette vallée au fin fond du Khumbu, juste à l’est du Nangpa La, le récent tremblement de terre a eu ses effets : beaucoup d’éboulis et de pentes rocheuses ont bougé. Ainsi, les approches sont particulièrement instables et c’est souvent que l’on manque de justesse de partir avec des blocs énormes ou de se faire coincer une jambe. En essayant de s’acclimater vers la face sud du Dzasampatse, mais en partant sans doute trop tard et insuffisamment équipés, nous essuyons notre premier échec. Les blocs instables, le manque de neige ont raison de notre motivation et nous rentrons au camp de base.

 

Il fait encore beau, une météo incroyable, presque stressante de chaleur, on remarque des torrents d’eau à 6500m ! Notre projet, une ligne sur la face sud du Nangpai Gosum 2, est non seulement sèche mais aussi dangereuse à cause des chutes de pierres.

Nous décidons de tenter l’arête sud du Jasemba comme solution de replis pour nous acclimater.

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Après une longue journée dans des blocs branlants nous arrivons au col au pied de l’arête sud, à 6000m. Une petite satisfaction quand même : le panorama est somptueux, il fait beau, nous ne sommes pas trop épuisés. Malheureusement l’arête sud semble trop dure vu notre acclimatation et nous décidons donc d’essayer de contourner une tour par la gauche. Mais cette tour est en faite une interminable barre et nous nous rendons a l’évidence : il faut descendre. Le problème c’est quand ? Le groupe se divise, chacun a son idée sur la question et finalement nous commençons les rappels, trop tôt ou trop tard, mais en tout cas au mauvais moment. Les pierres et les blocs de glace tombent sur nous, nous parvenons le plus souvent à les éviter, et même s’il faut se dire que les pierres ne visent pas les grimpeurs, nous rejoignons la peur au ventre le pied de la face. Nous sommes maintenant dans une vallée trop à l’ouest, celle du fameux Nangpa La, passage historique vers le Tibet désormais fermé par les chinois pour bloquer l’exil tibétain. Un bivouac plus tard, avec aussi son lot de chute de pierre près des tentes (là ca commence à être pénible), et nous repartons pour le camp de base. Le groupe de redivise physiquement maintenant et par deux cols instables fait de châteaux de cartes de la taille de voitures, nous arrivons en fin de journée au camp de base. Tout le monde est usé par ces approches et ces échecs, tout le monde est usé par le passé proche. Et c’est bien difficile de repartir, de reconstruire sa motivation. D’autant plus qu’il n ya a pas pour l’instant de solution, il n y a que des erreurs plus petites, des ratés potentiellement moins importants, mais de solution qui motive et fédère tout le monde, il n y en a pas.

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Nous laissons passer quelques jours pour réfléchir et nous repartons pour faire une dépose de matériel au pied du Nangpai Gosum 3 avec Mathieu Maynadier. Mathieu Detrie et Julien Dusserre se laissent pour l’instant le choix dans les options.

Heureusement quelques jours de mauvais temps nous obligent à rester au camp et à réfléchir ; à douter aussi. Avec mémé, nous sommes décidés à essayer une ligne de glace formée sur le Nangpai gosum 3. Notre routeur météo nous annonce une fenêtre de beau temps mais quelques heures plus tard, une fois que nous sommes au pied de la voie, il se ravise et annonce finalement de la neige faible. Nous hésitons, tergiversons, et finalement abandonnons cette option pour nous rabattre aussi sur le Dzasampatse. Par crainte de céder à une pulsion téméraire, nous manquons d’audace. A force de regretter nos précédentes décisions, à force de se retourner vers nos échecs, nous ne voyons dans les options qui nous restent que dangers et aléas.

Pendant que Julien et Mathieu ouvrent la goulotte en face nord, nous déplaçons notre bivouac au pied de celle-ci, remarquant au passage que les nuages annoncés ne viennent pas.

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Désemparés par nos décisions et par une réalité qui ne colle pas aux prévisions, nous passons la journée à observer l’avancée des deux grimpeurs.

Le lendemain, très tôt, pour partons pour la même voie. La nuit est étoilée mais sans lune, et après une approche dans les rochers instables nous arrivons au cône de neige marquant le départ de la voie. Mémé se lance dans une jolie longueur de glace, fait un relais puis me fait venir. Les traces laissées par nos prédécesseurs nous aident bien et nous évoluons ensuite en corde tendue. Nous franchissons un deuxième verrou puis, après une pente neigeuse, nous arrivons au pied de la longueur clé : une belle cascade avec des ressauts verticaux. Les gros surplombs qui nous dominent rajoutent de l’ambiance et malgré nos déceptions, c’est quand même bien agréable d’enfin grimper. Nous contournons ensuite les surplombs et par une longue traversée en ascendance à droite nous arrivons sur la crête sommitale.

Le plaisir fut trop court mais les paysages magnifiques donnent du sens à notre présence ici. Quelques rappels et une désescalade sur blocs branlants et nous retrouvons l’équipe au camp de base.

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