Ascension du pilier nord du Fitz Roy, avec Korra Pesce et Damien Tomasi
La route qui mène en bus à El Chalten est prometteuse : directe, droite vers les montagnes, droite vers le Cerro Torre et le Fitz Roy. Elle fait rêver, elle donne envie, elle vous trompe en fait. Car en Patagonie, ni la stratégie pour atteindre un sommet, ni le temps ne sont aisés. Si quelques lignes sont directes les moyens pour les grimper sont compliqués. Ici la météo décide de tout : de votre temps, de la voie que vous pourrez tenter mais aussi de la stratégie à adopter. Ainsi, lorsqu’avec Damien nous réalisons un portage de matériel mi novembre au pied du Cerro Torre nous sommes confiants : c’est dans cette zone que nous voulons grimper et nous avons jusqu’à fin décembre. Mais lorsqu’à la fin décembre nous viendrons récupérer les sacs, le matériel sera encore neuf…
C’est que les bons créneaux sont rares et le rocher souvent humides. Nos journées de repos sont ainsi ponctuées par le rituel « café-météo » où l’on se prend à faire des plans sur la comète. Avec Robin, Korra et Damien, entraînés par la motivation sans faille de l’armée française (et pas n’importe quelle France !), nous partons quand même, après une trop longue oisiveté, gravir l’aiguille Poincenot par la voie normale. Journée des plus maussades avec très peu de photos au final vu que journée passée dans le brouillard. Mais bon, il faut bien s’occuper…

Enfin, tant attendu, vint la belle fenêtre météo : 3 jours sans vent et sans précipitation ! Effervescence dans les gîtes, préparation au gramme près du matériel pour se ménager les genoux (Korra sans duvet ça nous impressionne quand même !) et aussi prise d’infos pour savoir ce que font les autres sans dire ce que l’on compte faire pour ne pas être trop nombreux mais pas trop seuls quand même ; enfin c’est compliqué… Compliqué mais justifié.

Tandis que les 5 mercenaires partent pour le supercouloir au Fitz roy (ce qui nous arrange pour la trace de la descente), robin et mathieu vont à la face ouest du cerro torre et avec damien et Korra nous tenterons le pilier Casarotto par la voie de Rolando Garibotti : Maté y Poro.

Le raid sentier vers la « Piedra Negra », campement au nord du fitz roy, nous dévoile que ce dernier est à peu prés sec et c’est tant mieux. A deux heure et demi du matin nous commençons la longue marche d’approche vers le pied du pilier. Nous y arrivons juste après deux néo zélandais bien aimables qui nous laissent passer devant. Jusqu’ici tout va bien. Mais ensuite ça se corse : les fissures sont souvent enneigées et nous obligent mixer libre et artif, les mains et les pieds refroidis. Les magnifiques longueurs s’enchainent, le soleil commence à apparaître et chaque fois que l’on se retourne, un paysage splendide s’offre à nos yeux. Nous avons bien fait d’attendre. A la tombée de la nuit, bien fatigués, nous parvenons au sommet du pilier. Nous partageons en vitesse les lyophs et tentons de profiter au maximum des quelques heures de nuit qu’il nous reste. Au petit matin il fait un froid glacial avec ce maudit vent d’ouest, mais dès que nous basculons coté est, nous pouvons prendre le thé et débattre de ce qui nous attend : la suite de la voie Casarotto qui, louvoyant entre les plaques de givre, nous impressionne. Damien s’y lance en tête, nous peinons en second car avec ce froid nous préférons garder les grosses chaussures. Puis c’est mon tour, j’essaie d’aller le plus vite possible mais les pieds deviennent vraiment douloureux avec ces chaussons toujours trop petits. Enfin Korra, après une jolie goulotte, nous emmène au sommet. Nous pouvons enfin admirer le Cerro torre, avec des personnes à son sommet, le Hielo Patagonico, au nord le San Lorenzo et à l’est la pampa. Il faut profiter au maximum de cet instant trop rare avant de s’avancer timidement vers la voie de descente qu’est la voie Franco-Argentine.